Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
272
la pensée de schopenhauer
L’illusion du libre arbitre.

L’affirmation d’une liberté empirique de la volonté, autrement dit d’un libre arbitre d’indifférence, est étroitement liée au fait qu’on a placé l’essence de l’homme dans une âme, laquelle âme serait originairement un être connaissant, Voire même pensant, pourvu d’idées abstraites, et ensuite de cela seulement un être voulant, ce qui revenait à faire de la volonté, au lieu de faire, comme la vérité l’exigeait, de la connaissance l’élément secondaire. On a même considéré le Vouloir comme un acte de la pensée, en l’identifiant avec le jugement ; telle est en particulier la conception de Descartes et de Spinoza. A les en croire, tout homme serait ce qu’il est par suite d’une opération de sa faculté de connaître : chacun de nous viendrait au monde à l’état de zéro moral, prendrait connaissance des choses de ce monde, puis, là-dessus, déciderait d’être ceci ou cela, d’agir de telle ou telle façon, et pourrait même, une fois qu’il aurait acquis de nouvelles notions, adopter à volonté une nouvelle manière d’être ou d’agir, c’est-à-dire devenir un autre homme. De plus, et toujours dans la même idée, nous commencerions par reconnaître qu’une chose est bonne, pour ensuite la vouloir, au lieu qu’en réalité nous commençons par la vouloir, pour ensuite