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v. morale et religion

motifs que son imagination lui présente comme susceptibles de l’influencer ; et à chaque fois il se figure qu’il pourrait vouloir l’acte auquel ce motif l’incite, c’est-à-dire arrêter la girouette à ce point déterminé : en quoi, précisément, il s’illusionne. Car, quand il se dit : « je puis vouloir ceci », ce témoignage intérieur est en réalité purement hypothétique, c’est-à-dire qu’il s’accompagne toujours de ce complément tacite : « à supposer que je ne veuille pas de préférence cela », lequel supprime de fait cette possibilité de vouloir.

Pour en revenir à l’homme que nous avons laissé délibérant au milieu de la rue à six heures du soir, supposons maintenant qu’il se soit aperçu que je me tenais derrière lui en train de philosopher sur son compte et de contester sa liberté d’accomplir toutes les actions dont il se croit capable. Il se pourrait fort bien, dans ce cas, qu’il mît à exécution l’une d’entre elles à seule fin de me réfuter. Mais alors ce seraient mes dénégations et l’influence qu’elles exerceraient sur son esprit de contradiction qui deviendraient pour lui le motif contraignant. Toutefois, il est à remarquer que ce motif ne saurait le déterminer à accomplir, parmi les actions énumérées plus haut, qu’une des plus faciles. Notre homme pourrait donc fort bien se décider, par exemple, à se rendre au théâ-