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la pensée de schopenhauer

cette illusion qu’il nourrit, et qu’engendre en lui l’interprétation fausse d’un état de conscience, de pouvoir accomplir immédiatement et indifféremment toutes les actions que son imagination lui suggère, vient au fond de ce que celle-ci ne peut jamais lui présenter qu’une seule image à la fois, laquelle image exclut provisoirement toutes les autres. Dès lors, quand il évoque le motif déterminant de l’une ou l’autre de ces actions qu’il croit pouvoir exécuter, il en éprouve aussitôt l’influence sur son Vouloir, qui se trouve de ce fait sollicité : c’est ce qu’on appelle en langage technique une velléité. Mais son illusion est de croire qu’il pourrait élever cette velléité au rang de volonté, c’est-à-dire exécuter l’action à laquelle elle tend. Car aussitôt la réflexion interviendrait pour lui remettre en mémoire les motifs qui agissent sur lui en sens différent ou opposé, et l’obligerait ainsi de s’apercevoir que sa velléité ne saurait se réaliser en acte. Au cours de cette opération, par où l’individu évoque tour à tour divers motifs qui s’excluent les uns les autres, sans cesser de se répéter intérieurement : « je puis faire ce que je veux », sa volonté, telle une girouette qu’un vent inconstant fait pivoter sur sa tige de fer bien graissée, se tourne aussitôt et successivement vers chacun de