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la pensée de schopenhauer

rigoureusement conditionnées par les motifs qui, à chaque fois, les provoquent et déterminent chacune d’elles prise en particulier. Il suit de là que, pour le monde de l’expérience, le principe formulé par les scolastiques : operari sequitur esse (acte est la conséquence de l’être) est vrai sans exception. Toute chose engendre des effets conformes à sa nature, et ce sont ces effets, provoqués par des motifs, qui manifestent et font connaître cette nature. Tout homme agit selon ce qu’il est et toutes ses actions, par là-même nécessaires, sont déterminées dans chaque cas particulier par les seuls motifs. On voit ainsi que la liberté ne saurait se trouver dans l’operari (l’acte) ; il faut donc qu’elle se trouve dans l’esse (l’être). Là est précisément l’erreur radicale, le gros ύστερον προτερον (interversion) qu’on a commis de tous temps : d’avoir attribué à l’être la nécessité et à l’acte la liberté. C’est l’inverse qui est vrai ; c’est dans l’être seul que gît la liberté. Mais aussi, de cet être l’acte découle d’une façon nécessaire, et, dès lors, à ce que nous faisons nous reconnaissons ce que nous sommes. C’est sur cette expérience, et non sur un prétendu « libre arbitre d’indifférence », que repose notre sentiment de responsabilité et, plus généralement,