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la pensée de schopenhauer

duite objectivement, c’est-à-dire du dehors, l’évidence oblige à reconnaître qu’elle obéit rigoureusement, comme tout ce qui se meut et agit dans la nature, à la loi des motifs. Subjectivement, en revanche, chacun a le sentiment de ne faire jamais ce que qu’il veut : ce qui revient à dire simplement que ses actions sont l’expression authentique de son être. Aussi le plus infime produit de la nature, s’il pouvait sentir, éprouverait-il le même sentiment.

L’analyse que j’ai faite du problème de la liberté n’aboutit donc pas à la supprimer, mais seulement à la reculer, à la renvoyer dans une autre sphère ; c’est-à-dire que la liberté doit être transportée du domaine de nos actions particulières, où il est démontré qu’on ne saurait la rencontrer, dans une région supérieure, moins accessible, il est vrai, à notre entendement. En d’autres termes, elle est d’ordre transcendant. Et c’est bien en ce sens qu’il faut entendre ces mots de Malebranche que j’ai inscrits en tête de mon étude sur ce problème : « la liberté est un mystère ».