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v. morale et religion
De l’égoïsme.

L’égoïsme, chez l’homme comme chez l’animal, est étroitement et intimement lié à l’essence même de l’être ; disons mieux : il ne fait qu’un avec elle. De là vient que, dans la règle, toutes les actions humaines dérivent de l’égoïsme, et qu’il y a toujours lieu de chercher d’abord dans l’égoïsme l’explication d’une action donnée, comme aussi de calculer uniquement avec lui, quand on cherche à faire agir les hommes en vue d’un but quelconque. L’égoïsme, de sa nature, ne connaît point de limites. L’homme veut d’une façon absolue la conservation de son existence ; il la veut, d’une façon absolue, exempte de toute souffrance, et par conséquent aussi de toute privation ; il veut la plus grande somme possible de bien-être ; il veut toutes les jouissances qu’il est susceptible de goûter ; et même il cherchera, s’il peut, à se rendre capable d’en éprouver d’autres. Tout ce qui fait obstacle aux visées de son égoïsme excite sa malveillance, sa colère, sa haine ; quiconque s’y oppose est à ses yeux un ennemi qu’il désire écraser. Il lui faut, autant que faire se peut, tout avoir et tout savourer, et comme cette ambition dépasse ses moyens, il prétend au moins tout dominer. Sa de-