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v. morale et religion

supra-terrestre et extra-humain. On a fait intervenir des dieux dont la volonté et les commandements, appuyés eux-mêmes sur la promesse d’une récompense et la menace d’un châtiment réservés à l’homme, soit dans ce monde-ci, soit dans un autre, constitueraient ce mobile moral que nous cherchons à découvrir. À supposer que la croyance à une doctrine de ce genre s’implantât universellement — et rien ne s’y oppose, si l’on prend soin de la graver dans les cerveaux dès l’âge le plus tendre — et qu’elle produisit les résultats désirés — ce qui présente beaucoup plus de difficultés et apparaît beaucoup moins confirmé par l’expérience —, il est sûr qu’on obtiendrait ainsi une parfaite légalité des actions, qui dépasserait même ce qu’on peut attendre à ce point de vue de la justice et de la police. Mais chacun voit bien qu’il ne saurait être question ici de ce que nous entendons réellement par sens ou sentiment moral. Il est évident que toutes les actions déterminées par des motifs de cette nature procéderaient toujours du seul égoïsme. Comment parler de désintéressement là où je suis séduit par l’appât d’un salaire ou retenu par la crainte d’un châtiment ? La récompense que le croyant attend