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v. morale et religion

terprétera par un dogme quelconque pour la satisfaction de sa raison. Il n’est pas plus nécessaire à un saint d’être un philosophe qu’à un philosophe d’être un saint.


La douleur rédemptrice.

Par ascétisme, j’entends la conduite de celui qui s’applique d’une façon préméditée et systématique à briser son Vouloir et à le mortifier définitivement en lui refusant tout ce qui lui agrée et en lui imposant tout ce qui lui est pénible, c’est-à-dire en adoptant de plein gré une vie de macérations et de pénitences. En fait, ceux-là seuls pratiquent cet ascétisme qui ont déjà atteint l’état de négation du Vouloir-vivre, et qui cherchent à s’y maintenir. Mais nous voyons qu’il y a un autre chemin (δεντερος πλονς) qui peut nous conduire à cette même négation ; je veux dire la souffrance, la souffrance prise en elle-même et telle qu’elle nous est départie par les hasards de la destinée. On peut même admettre que la plupart de ceux qui atteignent au renoncement n’y atteignent que par cette seconde voie. Dans la majorité des cas, c’est la souffrance personnellement éprouvée et non la seule intuition de la souffrance qui peut amener l’homme à la pleine résignation ;