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la pensée de schopenhauer

telle sainteté, renoncement à soi-même, mortification de la chair et de l’amour-propre, ascétisme, pour la ramener à la négation du Vouloir-vivre, c’est-à-dire à cette conversion qui s’opère dans le Vouloir humain, quand la pleine connaissance qu’il a acquise de sa propre nature agit sur lui comme un « quiétif » de toutes ses impulsions. Par contre, en tant qu’intuition directe, s’énonçant uniquement par l’acte, la connaissance de cette grande vérité a été le partage de tous ces saints, de tous ces ascètes qu’unit à travers l’histoire la communauté d’une même expérience intérieure, malgré que le langage qui leur servit à formuler cette expérience ait put différer autant que les dogmes dont se satisfaisait leur raison. Mais il importe fort peu qu’un saint doive nécessairement rendre compte de ses sentiments et de ses actes en usant de tout autres formules selon qu’il est un chrétien, un brahmane indou ou un lama bouddhiste. Un saint peut être plein des superstitions les plus absurdes, ou il peut être au contraire un grand philosophe : cela revient au même. C’est sa façon d’être et d’agir qui seule fait de lui un saint et nous le garantit comme tel ; or celle-ci procède d’une connaissance non point abstraite, mais intuitive et immédiate, de l’essence du monde ; après quoi l’individu l’in-