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v. morale et religion

de toute existence. On voit alors s’opérer dans son être un changement complet qui l’élève au-dessus de lui-même et plus haut que sa souffrance ; il apparaît purifié et en quelque sorte sanctifié par cette souffrance ; une paix profonde se fait en lui, sublime sérénité d’un bonheur supérieur à toute atteinte, qui signifie que, dès cet instant, il renonce de plein gré à tout ce que son Vouloir exigeait jusqu’alors avec tant de violence, et qui lui permet d’accueillir la mort avec joie. Du brûlant creuset de la douleur a jailli, comme un pur rayon, la lumière de la rédemption. Celui-là même qui fut le plus criminel peut sortir de cette épreuve de la souffrance lavé de ses souillures, au point d’être transformé en un autre homme. Les péchés de sa vie passée ont cessé de tourmenter sa conscience ; mais il n’en consent pas moins de bon cœur à les expier par la mort, acceptant volontiers de voir finir avec son individu une manifestation de ce Vouloir dont il s’est détourné et qui maintenant lui fait horreur. Dans son immortel Faust, où il nous montre Marguerite rachetée par la douleur, Gœthe a illustré d’un exemple plastique, le plus significatif et le plus beau que je connaisse dans toute la poésie, cette négation du Vouloir-vivre, où atteint par l’excès même de son infortune