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la pensée de schopenhauer

un être condamné à désespérer de tout salut humain.


Sur le suicide.

Loin d’être une négation, le suicide est au contraire une très forte affirmation du Vouloir-vivre. Car le propre de la négation n’est pas d’abhorrer les souffrances, mais bien les jouissances de la vie. Celui qui se suicide veut la vie ; il est simplement mécontent des conditions dans lesquelles elle lui a été donnée. C’est donc uniquement à sa vie qu’il renonce et nullement au Vouloir-vivre, quand il supprime dans sa personne une manifestation particulière de ce Vouloir-vivre. Il veut l’existence ; il veut la pleine affirmation, sans frein ni obstacles, de son corps ; seulement les circonstances s’y opposent ; de là le désespoir qui détermine sa résolution. Le Vouloir se heurte ici, dans une de ses manifestations particulières, à l’impossibilité de donner libre cours à son impulsion. Mais c’est précisément parce qu’il ne peut cesser de vouloir que celui qui se tue cesse de vivre ; quand il supprime le phénomène de son individu, le Vouloir s’affirme en lui par cette suppression même, parce qu’il ne