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la pensée de schopenhauer

de ses préceptes, cette morale pèche au contraire par une lacune considérable, par un défaut essentiel. C’est même pourquoi il a fallu que la police se substituât chez nous à la religion pour protéger les animaux contre une majorité d’êtres humains brutaux, impitoyables et souvent pires que des bêtes. Et comme la police ne suffit pas à la besogne, nous voyons se fonder un peu partout, en Europe et en Amérique, des sociétés pour la protection des animaux qui apparaîtraient comme la chose du monde la plus superflue dans toute l’Asie non-circoncise, où non seulement la religion suffit à protéger les bêtes, mais où encore elle fait d’elles l’objet d’une bienfaisance positive.

Telles sont les conséquences de cette cérémonie d’installation célébrée dans le Jardin d’Eden. Souvenons-nous qu’on ne peut faire façon de la populace que par la force ou par la religion : or c’est la honte du christianisme qu’il nous laisse ici dans une totale impuissance. Je tiens de source sûre qu’un pasteur protestant, à qui une société protectrice des animaux avait demandé de faire un sermon contre les mauvais traitements infligés aux bêtes, répondit qu’avec la meilleure volonté du monde il ne pouvait le faire, vu que la religion ne lui offrait ici aucun texte sur lequel