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Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/407

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v. morale et religion
L’heure de la mort.

L’heure de la mort est l’heure décisive : l’homme va-t-il rentrer dans le sein de la nature, ou, cessant d’appartenir à cette nature, va-t-il au contraire… ? Mais ici les images, les notions et les mots nous font également défaut, puisque tout cela, images, notions, mots, étant emprunté au monde des phénomènes, faisant partie du monde des phénomènes, ne saurait précisément exprimer d’aucune manière ce qui est, au sens absolu, le contraire de ce monde ; d’où il suit que ce « contraire » demeure pour nous une simple négation. Toujours est-il que la mort de l’individu apparaît à chaque fois comme la question, inlassablement répétée, que la nature adresse au Vouloir-vivre : « En as-tu assez ? Veux-tu t’évader de moi ? » C’est sans doute pour que cette question puisse être plus souvent posée que la vie humaine est si brève. Telle est la signification des rites célébrés par les brahmanes, des prières qu’ils récitaient à l’heure de la mort et des exhortations qu’ils adressaient aux mourants (maint spécimen nous en a été conservé dans l’Upanishad) ; il en est de même de la confession, de la communion et de l’extrême-onction du christianisme, toutes choses dont le sens est de faire servir la dernière heure de l’homme à sa délivrance. C’est pourquoi aussi les chrétiens prient