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la pensée de schopenhauer

— Peut-être comprendra-t-on dès lors pourquoi ma philosophie, en atteignant à son point culminant, revêt un caractère négatif, ou, si l’on veut, pourquoi elle s’achève par une négation. Parvenue à ce point, en effet, elle ne peut plus parler que d’une chose qu’on renonce et qu’on nie. Quant à ce qui nous est offert en échange de ce renoncement, elle est obligée de l’appeler le néant, sauf à ajouter, à titre de consolation, que ce néant n’est pas absolu, mais seulement relatif. Car là où il s’agit de quelque chose qui ne rentre dans rien que nous Connaissions, il est certain que, pour nous, il n’y a rien. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y ait là absolument rien, que ce néant soit dans tous les sens et de tous les points de vue possibles le néant. Cela signifie seulement que nous ne pouvons avoir du « quelque chose » dont il s’agit qu’une connaissance purement négative, et ceci peut fort bien tenir au fait que nous n’embrassons, de notre point de vue humain, qu’un horizon borné. Or c’est précisément ici que commence l’action positive du mystique : à partir de ce point il n’y a plus de place dans l’être humain que pour le mysticisme.