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VI. FRAGMENTS DIVERS
Sur le droit et sur l’Etat.

Nous avons vu ailleurs que la morale s’occupait uniquement du principe selon lequel on fait ce qui est juste ou injuste, et quelle limite exacte elle pouvait fixer, quelle norme elle pouvait prescrire à celui qui aurait résolu de s’abstenir de toute injustice. À l’inverse de la morale, la théorie qui est la règle de l’Etat ou de la législation n’a en vue que l’in- justice subie, et elle ne s’occuperait jamais de l’injustice commise, si celle-ci n’était pas toujours et nécessairement le corollaire de l’autre, à laquelle la loi a pour objectif de s’opposer. Bien plus, s’il était possible de concevoir une action injuste qui ne fût liée à aucun dommage injustement subi, l’Etat, logiquement, n’aurait pas à l’interdire. — D’autre part, la seule réalité qui existe pour la morale, la seule chose qu’elle considère, c’est la volonté, la disposition intérieure ; dès lors la résolution de commettre une injustice qu’une autorité extérieure nous empêche seule de mettre à exécution équivaut exactement pour la morale à une injustice réelle-