Aller au contenu

Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
la pensée de schopenhauer

ment commise, et la morale condamne comme injuste à son tribunal celui qui est animé de pareilles intentions. L’Etat, au contraire, ne se préoccupe nullement de la volonté et de la disposition intérieure comme telles ; il n’envisage que l’acte (que celui-ci ait été exécuté ou seulement tenté), à cause de sa corrélation avec le dommage subi ; l’acte, l’événement, est pour lui la seule réalité ; il ne scrute la disposition intérieure, l’intention, que dans la mesure où elle éclaire la signification de l’acte. C’est pourquoi l’Etat n’interdit à personne de méditer intérieurement les crimes les plus atroces contre son prochain, pour peu qu’il soit sûr que la crainte de l’échafaud ou des supplices suffit à empêcher cette volonté de réaliser ses effets. Au reste l’Etat n’a nullement pour principe la prétention absurde de supprimer le penchant à l’injustice, de détruire les mauvaises dispositions intérieures. Il a uniquement pour but d’opposer, sous la forme d’une punition inévitable, à chaque motif susceptible de pousser l’homme à une action injuste, un autre motif suffisamment fort pour l’engager à s’en abstenir. En ce sens le Code pénal est un catalogue aussi complet que possible de contre-motifs, correspondant à l’ensemble des