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la pensée de schopenhauer

doute qu’il existe personne que cette idée n’ait pas abordé au moins une fois au cours de se vie. Si c’est chez les Mahométans qu’elle a pris sa forme la plus arrêtée, on ne l’en rencontre pas moins chez tous les peuples et alliée à toutes les doctrines religieuses. Selon la manière dont on la comprend, ce peut être une idée parfaitement absurde ou au contraire extrêmement profonde. Au demeurant, quels que soient les faits, même les plus frappants, qu’on peut alléguer en sa faveur, il reste évidemment toujours possible d’objecter que ce serait précisément le plus grand des miracles si le hasard ne travaillait pas de temps en temps pour nous aussi bien ou même mieux que notre propre perspicacité.

C’est une vérité a priori, et par là-même irréfutable, que tout ce qui arrive, sans aucune exception, arrive avec une rigoureuse nécessité. J’appellerai ici cette vérité le fatalisme démontrable. Mais il y a un fatalisme d’espèce supérieure, qui consiste à reconnaître, ou plus exactement à supposer que cette nécessité de tout événement n’est pas une nécessité aveugle, c’est-à-dire que le cours de notre vie ne suit pas seulement une direction nécessaire, mais qu’il se conforme encore à un dessein préconçu.