Page:Schopenhauer - La Pensée, 1918, trad. Pierre Godet.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
410
la pensée de schopenhauer

tinctive. Cette sorte de connaissance, qui nous fait passer à l’acte sans être distinctement réalisée par la conscience, est comparable en ce sens aux « mouvements réflexes » de Marshal Hall. C’est grâce à elle que l’individu, pour peu qu’il ne subisse aucune contrainte, ni de l’extérieur, ni des concepts erronés et des préjugés qu’il a pu se forger lui-même, poursuit et atteint sans s’en rendre compte ce qui correspond à sa nature particulière ; tout comme la tortue, que le soleil fait éclore dans le sable et qui sort de l’œuf à un endroit d’où elle ne peut apercevoir la mer, s’en va néanmoins tout droit du côté de l’eau. Il y a donc en nous un sens caché de direction, une boussole intérieure, grâce à quoi chacun de nous se trouve mis sur la voie qui est la seule qu’il lui faille suivre, mais dont aussi il n’aperçoit la direction régulière et logique qu’après qu’il l’a déjà parcourue.

Si l’on a bien compris le point de vue de ce fatalisme transcendant dont j’ai parlé, et qu’on considère sous cet angle l’existence d’un individu, on a parfois un étrange spectacle. C’est celui du contraste entre le hasard évident et purement physique d’un évé-