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vi. fragments divers

nement et sa nécessité métaphysique et morale, nécessité qui demeure d’ailleurs toujours indémontrable et dont il reste toujours possible de dire qu’elle est purement imaginaire. On en trouve un exemple à la fois universellement connu et bien propre à illustrer notre idée, parce qu’il est particulièrement frappant et typique, dans La course à la forge de Schiller : Fridolin s’est arrêté par hasard en chemin pour servir la messe, retardé ainsi dans sa course par une circonstance purement fortuite ; mais cette circonstance se trouve être en même temps pour lui de la plus haute importance et répondre à une nécessité personnelle impérieuse. Chacun de nous, en se reportant à sa propre existence, ne pourrait-il pas y retrouver des faits, peut-être moins importants et moins nettement caractérisés, mais de signification analogue ? Beaucoup seront ainsi conduits à admettre qu’une puissance cachée et inexplicable dirige toutes les inflexions du cours de notre vie, et cela dans un sens qui est sans doute souvent contraire à notre volonté du moment, mais qui n’en est pas moins conforme, du point de vue objectif, à l’ensemble de cette vie, et, du point de vue subjectif, aux fins secrètes qu’elle poursuit, c’est-à-dire, en somme,