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la pensée de schopenhauer

ses, une veritas æterna, et omettant ainsi l’intellect, dans lequel seul et pour lequel seul il y a causalité. Il cherche ensuite à déterminer l’état premier, l’état le plus simple de la matière, et à en dégager successivement tous les autres, en remontant du pur mécanisme au chimisme, de là à la polarité, à la végétation et à l’animalité ; après quoi, à supposer que la chose lui réussît, le dernier anneau de la chaîne serait la sensibilité animale, la connaissance, qui apparaîtrait ainsi comme une simple modification de la matière, un état de celle-ci, développé et amené par la série des causes. Admettons que nous ayons pu suivre jusqu’ici le matérialisme, en appuyant ses dires de représentations concrètes. Mais alors, parvenus avec lui à ce sommet, nous aurions tout à coup l’impression de sortir d’un rêve, et nous serions pris subitement d’un rire homérique, à nous apercevoir que son résultat final si péniblement amené, la connaissance, était déjà impliqué comme une condition sine qua non dans son tout premier point de départ, la simple matière, et que, tout en nous figurant jusqu’alors avoir pensé la matière, nous n’aurions en réalité pensé que le sujet où elle est représentée, l’œil qui la voit, la main qui la sent, l’intellect qui la connaît.