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la pensée de schopenhauer

senties, et du fait que l’impression produite est rap- portée instantanément à sa cause, la perception de cette cause surgit en tant que perception d’un objet. Ce rapport qu’établit l’intellect n’est nullement une conclusion par concepts abstraits ; il n’est dû ni à la réflexion, ni au bon plaisir, mais il se produit immédiatement, nécessairement et sûrement. C’est là le mode de connaissance de l’intellect pur, sans lequel il n’y aurait jamais perception, mais seulement une conscience obscure et vague, quasi-végétale, des modifications éprouvées par l’objet immédiat, lesquelles se succéderaient sans présenter aucune signification, à moins qu’elles n’en eussent une pour le Vouloir en tant que douleur ou plaisir. Mais, de même qu’avec l’apparition du soleil, le monde visible se trouve là, ainsi, d’un seul coup, par sa fonction unique et simple, l’intellect transforme en perception la sensation vague et dépourvue de sens. Ce que l’œil, ce que l’oreille, ce que la main ressentent, n’est point perception ; ce sont de simples données. C’est seulement quand l’intellect passe de l’effet à la cause que le monde est là, comme perception, étendu dans l’espace, changeant quant à sa forme, persistant quant à sa matière dans l’infini du temps.