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la pensée de schopenhauer

quelque chose de purement idéal, mais qu’en eux se manifeste en même temps une réalité objective, une chose existant en soi ; aussi différente, d’ailleurs, que cette « chose en soi » puisse être de sa manifestation.

Le temps, c’est ce mécanisme de notre intellect grâce auquel ce que nous concevons comme futur paraît ne pas exister actuellement ; illusion qui disparaît aussitôt que l’avenir est devenu présent. Dans certains rêves, dans la clairvoyance somnambulique et la seconde vue, cette forme trompeuse est momentanément écartée ; c’est pourquoi l’avenir s’y présente comme actuel. On s’explique ainsi pourquoi les tentatives qu’on a faites parfois pour déjouer les prédictions des personnes douées de seconde vue, fût-ce même sur des points accessoires, devaient nécessairement échouer ; car les événements prédits ont été vus dans leur réalité, déjà existante au moment de la prédiction, comme nous-mêmes percevons le seul présent ; ils ont donc la même immuabilité que le passé.

Pareillement, la nécessité de tout ce qui arrive, c’est-à-dire de tout ce qui surgit successivement dans le temps, nécessité qui se traduit par l’enchaînement