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i. de la connaissance

des causes et des effets, n’est rien d’autre que la manière dont nous percevons, sous la forme du temps, une existence une et immuable.

Au fond, la conscience de l’idéalité du temps est déjà à la base de la notion d’éternité, qui a toujours existé. L’éternité est en effet par essence le contraire du temps, et c’est bien ainsi que tous les esprits un peu pénétrants l’ont toujours comprise, ce qui implique qu’ils avaient le sentiment que le temps n’est que dans notre intellect et non pas dans l’essence des choses. Il n’y a jamais eu que les intelligences tout à fait inférieures pour ne pas savoir interpréter cette notion d’éternité autrement que comme un temps sans fin. C’est ce qui obligea les scholastiques à créer des formules telles que celle-ci : aeternitas non est temporis successio sine fine, sed Nunc stans. Platon, d’ailleurs, n’avait-il pas déjà dit dans le Timée, et Plotin après lui : αιωνος ειϰων ϰινητη ο χρονος (le temps est l’image mobile de l’éternité) ? Dans le même sens, on pourrait dire aussi que le temps est une éternité déployée, et s’appuyer là-dessus pour affirmer que s’il n’y avait pas d’éternité, le temps n’existeraît pas non plus.