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i. de la connaissance

tout le monde des objets, revête ici une tout autre figure. C’est cette conscience nouvelle, cette conscience élevée à la seconde puissance, cette connaissance « réfléchie » sous forme de concepts non-sensibles de la raison, et « abstraite » de toutes les données intuitives, qui seule confère à l’homme cette faculté de recueillement, par où sa conscience se distingue si complètement de celle de l’animal, et par où toute sa façon de se comporter sur cette terre diffère tellement de celle de ses frères dépourvus de raison. Il les dépasse dans la même mesure en puissance et en faculté de souffrance. Eux vivent dans le seul présent ; lui vit encore dans le passé et dans le futur. Ils satisfont les besoins de l’instant ; lui pourvoit par les établissements les plus ingénieux à son avenir, et même à un avenir qu’il ne vivra pas lui-même.

On pourra se faire une idée de la valeur inestimable des concepts, et par là-même de la raison, si, après avoir considéré la multitude et la diversité infinie des objets et des états successivement et simultanément existants, on songe que le langage et l’écriture (ces signes des concepts) sont néanmoins capables de nous fournir une notion exacte de chaque