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la pensée de schopenhauer

la mémoire, condition elle-même indispensable pour exécuter les opérations propres aux concepts, à savoir juger, conclure, comparer, définir, etc.


De l’erreur.

L’animal ne peut jamais s’égarer loin des voies de la nature ; car ses motifs gisent uniquement dans le monde sensible, où il y a place seulement pour le possible, on peut même dire, pour le réel. Dans les notions abstraites, au contraire, dans les pensées et dans les mots, se concentre tout ce qui n’est que mentalement concevable, et par là-même le faux, l’impossible, l’absurde, l’insensé. Tous les hommes ont reçu la raison en partage, mais bien peu le jugement ; il s’en suit que le cerveau humain est un champ ouvert à l’illusion ; pour quiconque entreprend de le persuader, l’homme est une proie offerte à toutes les chimères imaginables, et ces chimères, agissant comme motifs de son Vouloir, peuvent le pousser à des sottises et à des folies de toutes sortes, aux extravagances les plus inouïes. La véritable culture, celle où le jugement va de pair avec la connaissance, ne peut être mise à la portée que d’un petit nombre ; plus rares encore sont ceux qui sont capables