Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/107

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serait pas fausse. La cause de l’erreur que nous venons de dire, c’est une trop grande précipitation, ou une connaissance bornée des possibilités, qui empêche de voir la nécessité d’une induction. L’erreur est donc de tous points analogue à l’illusion ; toutes deux consistent à conclure de l’effet à la cause, l’illusion étant toujours produite par le simple entendement, conformément à la loi de causalité, c’est-à-dire dans l’intuition elle-même ; et, d’autre part, l’erreur étant produite par la raison pure, conformément au principe de raison sous toutes ses formes, c’est-à-dire dans la pensée même, mais le plus souvent aussi conformément au principe de causalité, comme le prouvent les trois exemples suivants, que l’on peut considérer comme les trois types ou symboles des trois genres d’erreurs : 1o . L’illusion des sens (illusion de l’entendement) occasionne l’erreur (illusion de la raison pure), par exemple lorsqu’on prend un tableau pour un haut relief et qu’on le regarde réellement comme tel ; on n’a pour cela qu’à tirer la conclusion de cette prémisse : « Quand le gris foncé se dépose sur une surface en se dégradant jusqu’au blanc, il faut en chercher toujours la cause dans la lumière, qui éclaire différemment les saillies et les creux. » — « 2o . Lorsque je constate qu’on a pris de l’argent dans ma caisse, c’est toujours parce que mon domestique s’est fait faire une fausse clé : ergo. » — « 3o . Quand l’image du soleil réfractée par un prisme, c’est-à-dire déviée vers le haut ou vers le bas, — au lieu d’être blanche et ronde comme avant, — se montre allongée et colorée, cela résulte une fois pour toutes de ce qu’il y avait dans la lumière des rayons lumineux diversement colorés et diversement réfrangibles, lesquels, séparés en vertu de leur différence. de réfrangibilité, forment alors cette image déformée et diversement colorée : ergo bibamus. » — Toute erreur doit se réduire ainsi à une fausse conclusion tirée d’une prémisse, qui n’est souvent qu’une fausse généralisation ou une hypothèse, et qui consiste à supposer une cause à un effet. Il n’en est pas de même, comme on pourrait le supposer des fautes de calcul, qui ne sont pas à proprement parler des erreurs, mais de simples bévues : l’opération qu’indiquaient les concepts des nombres n’a pas été effectuée dans l’intuition pure, dans l’acte de compter ; on lui en a substitué une autre.

Quant au contenu des sciences, ce n’est proprement que le rapport des phénomènes entre eux, conformément au principe de raison et en vue du pourquoi, qui n’a de valeur et de sens que par ce principe. Montrer ce rapport, c’est ce qu’on appelle expliquer. L’explication se borne donc à montrer deux représentations en rapport l’une avec l’autre, sous la forme du principe de raison qui domine dans la catégorie à laquelle elles appartiennent. Après cela, il n’y a plus de pourquoi à demander ; car le rapport démontré est ce qui