Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/385

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origine et quant à leur sens intime et propre, et enfin quant à leur usage et leur place dans la morale ;

2° Déduction du droit de propriété ;

3° Déduction du principe moral de la valeur des contrats : le fondement moral du contrat social en dépend ;

4° Explication de la naissance et de la destination de l’État ; du rapport de cette destination avec la morale, et de la nécessité qui en résulte, de transporter, après inversion, la doctrine morale du droit dans la politique ;

5° Déduction du droit de punir.

Le reste de la doctrine du droit n’est qu’une application des principes énumérés ci-dessus : elle ne fait que préciser mieux les limites du juste et de l’injuste, pour toutes les circonstances de la vie : ces circonstances doivent être groupées et classées ; de là un certain nombre de chapitres et de titres. Dans toutes ces questions secondaires, les divers auteurs qui traitent de morale pure s’accordent assez bien : c’est sur les principes seulement qu’ils diffèrent, parce que les principes dépendent toujours de quelque système philosophique particulier. Pour nous, sur les cinq points énumérés plus haut, nous avons traité les quatre premiers comme il convenait ici, en termes brefs et généraux, mais pourtant avec précision et avec clarté : il nous reste à traiter, de la même façon, du droit de punir.

Kant a déclaré qu’en dehors de l’État il n’y a pas de droit parfait de propriété : c’est une erreur profonde. De toutes nos déductions précédentes il résulte que, même dans l’état de nature, la propriété existe, accompagnée d’un droit parfait, droit naturel, c’est-à-dire moral, qui ne peut être violé sans injustice, et qui peut au contraire être défendu sans injustice jusqu’à la dernière extrémité. Par contre, il est certain qu’en dehors de l’État il n’y a pas de droit de punir. Il n’y a de droit de punir que fondé sur la loi positive : c’est elle qui, en prévision de la transgression, a fixé une peine, destinée à menacer celui qui serait tenté, et à jouer en lui le rôle d’un motif capable de tenir en échec tous les motifs de la tentation. Cette loi positive, il faut la considérer comme sanctionnée et reconnue par tous les citoyens de l’État. Elle a donc pour base un contrat commun, que tous se sont obligés à maintenir en toute occasion, soit qu’il s’agisse d’imposer le châtiment ou de le recevoir : par suite, on est en droit d’exiger d’un citoyen qu’il accepte le châtiment. On le voit, le but immédiat du châtiment, considéré dans un cas donné, c’est l’accomplissement de ce contrat qu’on nomme la loi. Or la loi, elle, ne peut avoir qu’un but : détourner chacun, par la crainte, de toute violation du droit d’autrui : car c’est pour être à l’abri de toute agression injuste, que chacun des