Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 2, 1913.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
des rapports de l’intuitif et de l’abstrait

αφαιρεσις αγαθου. το δε αγαθον τι αν ειη αλλο η αρετη ; — η δε αρετη αναφαιρετον. Ουκ αδικησεται τοινυν ο την αρετην εχων, η ουκ εστιν αδικια αφαιρεσις αγαθου. ουδεν γαρ αγαθον αφαιρετον, ουδ’αποϐλητον, ουδ ελετον, ουδε ληιστον. Ειεν ουν, ουδ αδικειται ο χρηστος, ουδ υπο του μοχθηρου. αναφαιρετος γαρ. Λειπεται τοινυν η μηδενα αδικεισθαι καθαπαξ, η τον μοχθηρον υπο του ομοιου. αλλα τω μοχθηρω ουδενος μετεστιν αγαθου. η δε αδικια ην αγαθου αφαιρεσις ο δε ην εχων ο, τι αφαιρεθη, ουδε εις ο τι αδικηθη, εχει[1]. Je veux encore donner ici un exemple moderne de ces démonstrations tirées de concepts abstraits et qui servent à ériger en vérité une proposition évidemment absurde ; je prends cet exemple dans les œuvres d’un grand homme, Giordano Bruno. Dans son livre Del Infinito, universo e mondi[2], il est un endroit où il fait démontrer à un aristotélicien qu’au de la du monde il ne peut pas y avoir d’espace. L’aristotélicien use et abuse d’un passage du De Cœlo d’Aristote[3] : « Le monde, dit-il, est enfermé dans les huit sphères d’Aristote, au-delà desquelles il ne peut plus y avoir d’espace. En effet, si au delà de ces sphères il y avait encore un corps, ce corps ne serait ni un corps simple ni un corps composé. » Ici, à l’aide de principes qu’il se contente de postuler, il démontre sophistiquement qu’aucun corps simple ne peut être au delà des huit sphères ; il s’ensuit d’ailleurs qu’aucun corps composé ne pourrait y être non plus, puisqu’il devrait être composé de corps simples. Ainsi d’une manière générale il n’y a en cet endroit aucun corps mais alors il n’y a pas non plus d’espace. L’espace en effet est défini « ce dans quoi les corps peuvent exister » ; or on vient justement de démontrer qu’au de la des huit sphères, il n’y a point de corps. Par suite il n’y a point non plus d’espace au delà du monde. C’est vraiment là le chef-d’œuvre de la démonstration tirée des concepts abstraits.

Au fond l’argumentation repose sur ceci : le principe suivant « où il n’y a point d’espace, il ne peut pas y avoir de corps » est pris comme ayant une valeur négative universelle, et par suite on lui fait subir la conversion pure et simple ; « où il ne peut y avoir de corps, il n’y a pas non plus d’espace. » En réalité, si l’on y regarde de près, le principe est universellement affirmatif ; il revient à dire : « tout ce qui est sans espace est sans corps » ; par suite, il ne peut subir la conversion pure et simple.

Cependant parmi les preuves qui sont tirées de concepts abstraits et qui aboutissent à un résultat manifestement contraire à l’intuition, comme celui-ci, il en est qui ne se réduisent point, comme dans le cas présent, à une faute de logique. En effet, le sophisme ne réside

  1. Sermo II.
  2. Page 87, de l’ép. de A. Wagner.
  3. De Cœlo, I, 5.