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doctrine de la représentation abstraite

ἀναγούσα τὸ ζητούμενον • ἓν ϰαὶ Πλάτων, ὤς φάσι, Λαοδάμαντι παρέδωϰεν. ϰ. τ. λ. [Methodi traduntur sequentes : pulcherrima quidem ea, quæ per analysin quæsitum refert ad principium, de quo jam convenit ; quam etiam Plato Laodamanti tradidisse dicitur]. (Inprimum Euclidis librum, I. III). La méthode analytique consiste à ramener ce qui est à démontrer à un principe accordé, la méthode synthétique à déduire d’un tel principe ce qui est à démontrer. Ces deux procédés ont donc quelque analogie avec l’ἐπαγώγη et l’άπαγώγη dont nous avons parlé au ch. ix, sauf que cette dernière ne vise jamais à établir, mais bien à réfuter des propositions. La méthode analytique va des faits, du particulier, aux principes, au général ; l’autre procède d’une manière inverse. Aussi serait-il plus juste de les désigner sous le nom de méthodes inductive et déductive, car les qualifications usitées sont impropres et expriment mal la chose.

Si un philosophe voulait commencer par élaborer la méthode suivant laquelle il philosophera, il aurait l’air d’un poète qui composerait tout d’abord une esthétique pour y conformer ensuite son inspiration ; tous deux ressembleraient à un homme qui commencerait par se fredonner à lui-même un air et qui danserait ensuite. L’esprit pensant doit trouver sa voie par une impulsion naturelle : la règle et l’application, la méthode et la doctrine doivent se présenter ensemble, inséparablement unies comme la matière et la forme. Mais une fois que l’on sera arrivé, il sera bon de jeter un regard en arrière sur le chemin parcouru. L’esthétique et la méthodologie sont, en vertu même de leur nature, postérieures à la poésie et à la philosophie, de même que la grammaire est née après le langage, la basse continue après la musique et la logique après la pensée.

Qu’on me permette de faire ici une remarque qui arrêtera peut-être à temps les progrès d’un mal dont nous sommes envahis. — Le latin a cessé d’être la langue de toutes les recherches scientifiques, et cela est regrettable, car l’Europe ne possède maintenant que des littératures scientifiques nationales et non plus une littérature scientifique commune, et de la sorte chaque savant ne s’adresse plus qu’à un public restreint, soumis à toutes les petitesses et à tous les préjugés nationaux. De plus, le savant devra étudier maintenant à côté du latin et du grec les quatre langues principales de l’Europe. Cette étude sera considérablement facilitée par ce fait, que les termes techniques des diverses sciences, à l’exception de la minéralogie, sont des mots grecs et latins que nos aïeux nous ont transmis. Aussi toutes les nations les conservent-elles prudemment. Seuls, les Allemands ont eu la malheureuse idée de germaniser ces termes techniques. Ce qui présente deux grands inconvénients. Tout d’abord,