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CHAPITRE XXIX[1]
DE LA CONNAISSANCE DE IDÉES


Nous n’avions jusqu’ici examiné l’intellect que dans sa condition primitive et naturelle d’esclave au service de la volonté ; dans ce troisième livre, il apparaît délivré de cette servitude ; mais hâtons-nous de le remarquer, il s’agit ici non pas d’un affranchissement durable, mais seulement d’un court instant de répit, d’une libération exceptionnelle et, à vrai dire, momentanée du service de la volonté. – Comme j’ai traité ce sujet avec assez de détails dans le premier volume, je n’ai ici qu’à ajouter quelques considérations complémentaires en petit nombre.

Ainsi que je l’ai montré au § 33, l’intellect au service de la volonté c’est-à-dire dans sa fonction naturelle, ne connaît proprement que les rapports des choses ; tout d’abord les relations des choses avec la volonté, à laquelle il appartient, ce qui sert même à en faire des motifs ; et de plus ensuite, pour compléter cette connaissance, les relations des choses entre elles. Cette dernière connaissance n’acquiert quelque étendue et quelque signification que dans l’intellect humain ; dans l’intellect animal, même le plus développé, elle reste enfermée dans d’étroites limites. Il est évident que la compréhension des relations des choses entre elles ne rentre qu’indirectement dans le service de la volonté. Elle est donc la transition à la connaissance tout objective, entièrement indépendante de la volonté : elle est la connaissance scientifique, qui mène à la connaissance artistique. Supposons en effet un objet donné dont nous saisissions directement de nombreuses et diverses relations : l’essence propre de l’objet en ressort avec une netteté toujours plus grande et finit insensiblement par s’en dégager, composée de simples

  1. Ce chapitre se rapporte aux §§ 30-32 du premier volume.