Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/330

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semaines, tous les mâles forment autour d’elles un cercle fermé, pour les empêcher de céder à la faim et de descendre à la mer ; si elles tentent de le faire, ils s’y opposent en les mordant. Ainsi ils jeûnent tous ensemble de sept à huit semaines durant et maigrissent tous beaucoup, et tout cela pour ne pas laisser leurs petits se risquer dans la mer, avant d’être en état de bien nager et d’observer la tactique requise, qu’on leur apprend dans la suite en les poussant et en les mordant. (Freycinet, Voy. aux terres australes, 1826.) Nous voyons de plus ici comment l’affection des parents, semblable en cela à tout effort énergique de la volonté (Voy. chap. XIX, 6), développe et accroît l’intelligence. — Les oies sauvages, les fauvettes et beaucoup d’autres oiseaux s’échappent à grands cris sous les pieds mêmes du chasseur, quand il approche du nid, et voltigent tout autour de lui, comme si leurs ailes étaient paralysées, pour détourner son attention de leur progéniture sur elles-mêmes. L’alouette cherche à écarter le chien de son nid, en s’offrant elle-même à ses coups. De même les biches et les chevrettes l’excitent à les poursuivre elles-mêmes, pour l’empêcher d’atteindre leurs faons. — On a vu des hirondelles pénétrer dans des maisons en flammes, pour sauver leurs petits, ou périr avec eux. À Delft, dans un violent incendie, une cigogne se fit brûler dans son nid, pour ne pas abandonner ses petits trop faibles et encore incapables de voler. (Hadr. Junius, Descriptio Hollandiœ.) Le coq de bruyère et la bécasse se laissent prendre sur leur nid, occupés à couver. Le gobe-mouche (muscicapa tyrannus) défend son nid avec un courage singulier et lutte même contre l’aigle. Une fourmi qu’on avait coupée en deux s’occupait encore, par sa moitié antérieure, de mettre ses œufs en sûreté. — Une chienne, à laquelle on avait ouvert le ventre pour en extraire les petits, se traînait mourante auprès d’eux en rampant, les caressait et ne commença à gémir avec violence que quand on les lui eut enlevés. (Burdach, La physiologie comme science expérimentale, vol. II et III).