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objectivation de la volonté dans l’organisme animal

même : car ce qu’elle fait, une fois née, s’opère par l’entremise d’un élément secondaire.

Nous avons vu plus haut dans le système nerveux cérébral un organe auxiliaire de la volonté, par lequel celle-ci s’objective secondairement. De même donc que le système cérébral, bien qu’il n’agisse pas directement sur l’ensemble des fonctions vitales de l’organisme, qu’il en dirige seulement les relations avec le dehors, n’en a pas moins pour base l’organisme qui l’entretient en échange des services rendus, de même, dis-je, que la vie cérébrale ou animale doit être considérée comme un produit de la vie organique, de même le cerveau et sa fonction, la connaissance ou intellect, sont médiatement et secondairement des phénomènes de la volonté : en eux aussi s’objective la volonté, et cela comme volonté de percevoir le monde extérieur, c’est-à-dire comme une volonté de connaître. Donc, si grande, si fondamentale que soit en nous la différence du vouloir et du connaître, le substrat dernier des deux n’en est pas moins le même ; ce substrat, c’est la volonté, comme essence en soi de l’ensemble des phénomènes. La connaissance, l’intellect, qui, dans la conscience de soi, apparaît comme tout à fait secondaire, n’est pas seulement l’accident, mais l’œuvre de la volonté, et ainsi la connaissance se trouve, bien que par un détour, ramenée au vouloir. De même que physiologiquement l’intellect est la fonction d’un organe du corps, de même, au point de vue métaphysique, il doit être regardé comme un produit de la volonté, dont l’objectivation visible est le corps tout entier. La volonté de connaître, vue objectivement, est donc le cerveau ; de même que la volonté de marcher, objectivement vue, est le pied ; comme la volonté de toucher, la main ; la volonté de digérer, l’estomac ; la volonté d’engendrer, les parties génitales, etc. L’ensemble de cette objectivation n’existe sans doute qu’au regard du cerveau dont elle est l’intuition : c’est sans cette intuition que la volonté apparaît comme corps organique. Mais le cerveau, en tant qu’il connaît, n’est pas lui-même connu ; il est la partie qui connaît, le sujet de toute connaissance. Au contraire le cerveau, en tant qu’il est connu secondairement dans l’intuition objective, c’est-à-dire dans la conscience d’autre chose, rentre, comme organe physique, dans l’objectivation corporelle. En effet, le processus tout entier, c’est la connaissance de la volonté par elle-même, il part de la volonté pour y aboutir, et constitue ce que Kant appelle le phénomène, par opposition à la chose en soi. Donc ce qui est connu, ce qui devient représentation, c’est la volonté ; et cette chose connue, cette représentation, c’est ce que nous appelons le corps, lequel, existant dans l’espace et se mouvant dans le temps, n’existe que par l’intermédiaire des fonctions du cerveau, c’est-à-dire en celui-ci même. Au