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Page:Schopenhauer - Mémoires sur les sciences occultes.djvu/236

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ESSAI SUR L’APPARITION DES ESPRITS

La grande masse, le peuple de tous les pays et de tous les temps, distingue le naturel et le surnaturel comme les deux ordres fondamentalement divers et cependant également existants des choses. Au surnaturel, elle attribue les miracles, les prophéties, les spectres, la sorcellerie, mais en outre elle voudrait, si on l’en croyait, qu’il n’y eût rien qui fût complètement naturel, jusqu’en ses derniers fondements, et que la Nature elle-même reposât sur un surnaturel. Par suite le peuple comprend très bien quand on pose la question : « Est-ce naturel ou non ? » Cette distinction populaire concorde essentiellement avec la distinction de Kant entre le phénomène et la chose en soi ; si ce n’est que la distinction de Kant présente quelque chose de plus précis et de plus exact, notamment en ce qu’elle ne fait pas du naturel et du surnaturel deux espèces d’êtres divers et séparés, mais un seul et même être qui, pris en lui-même, mérite le nom de surnaturel, parce que ce n’est qu’au moment où il paraît, c’est-à-dire devient un objet de perception pour notre intelligence, que la Nature se déploie elle aussi, la Nature dont c’est justement la soumission à des lois immuables que nous entendons désigner quand nous parlons du