Page:Schopenhauer - Pensées et Fragments, 1900, trad. Bourdeau.djvu/135

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pour les peines ou les plaisirs excessifs ; sa vie peut 
s’écouler plus silencieuse, plus insignifiante et plus 
douce que celle de l’homme, sans qu’elle soit, par 
nature, ni meilleure ni pire.

Ce qui rend les femmes particulièrement aptes à
 soigner, à élever notre première enfance, c’est qu’elles 
restent elles-mêmes puériles, futiles et bornées ; elles
 demeurent toute leur vie de grands enfants, une sorte d’intermédiaire entre l’enfant et l’homme. Que l’on observe une jeune fille folâtrant tout le long du jour avec
 un enfant, dansant et chantant avec lui, et qu’on imagine 
ce qu’un homme, avec la meilleure volonté du monde, 
pourrait faire à sa place.

Chez les jeunes filles, la nature semble avoir voulu
 faire ce qu’en style dramatique on appelle un coup de 
théâtre ; elle les pare pour quelques années d’une beauté, 
d’une grâce, d’une perfection extraordinaires, aux
 dépens de tout le reste de leur vie, afin que pendant
 ces rapides années d’éclat elles puissent s’emparer for
tement de l’imagination d’un homme et l’entraîner à se
 charger loyalement d’elles d’une manière quelconque. 
Pour réussir dans cette entreprise la pure réflexion et
 la raison ne donnaient pas de garantie suffisante. Aussi
 la nature a-t-elle armé la femme, comme toute autre
 créature, des armes et des instruments nécessaires pour
 assurer son existence et seulement pendant le temps
 indispensable, car la nature en cela agit avec son 
économie habituelle : de même que la fourmi femelle, 
après son union avec le mâle, perd les ailes qui lui 
deviendraient inutiles et même dangereuses pour la 
période d’incubation, de même aussi la plupart du