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Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/49

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professeurs de philosophie doivent donc, eux aussi, enseigner ce qui est vrai et exact ; mais cela doit précisément être, au fond et dans l’essentiel, la même chose que ce qu’enseigne aussi la religion du pays, qui est également exacte et vraie. De là, l’assertion naïve, déjà signalée dans ma Critique de la philosophie de Kant, d’un professeur de philosophie très réputé, en 1840 : « Si une philosophie nie les idées fondamentales du christianisme, ou elle est fausse, ou, quoique vraie, elle ne sert à rien ». On voit par là que, dans la philosophie universitaire, la vérité n’occupe qu’une position secondaire, et, quand elle en est requise, doit disparaître pour faire place à autre chose. Cela donc distingue la philosophie des Universités de toutes les autres sciences qu’on y enseigne.

Il résulte de là que, tant que l’Église subsistera, l’on ne pourra professer dans les Universités qu’une philosophie pleine d’égards pour la religion du pays ; elle devra, sur les points essentiels, marcher parallèlement avec celle-ci ; et, bien qu’enjolivée, étrangement chamarrée, et rendue ainsi passablement incompréhensible, elle n’en sera pas moins, au fond et dans l’essentiel, une simple paraphrase et une apologie de la religion du pays. Ceux qui enseignent avec ces restrictions n’ont donc plus autre chose à faire que de chercher des tournures et des formes nouvelles, sous lesquelles ils présentent le contenu de la religion du pays déguisé sous des expressions abstraites qui le rendent fade, et qu’ils nomment ensuite philosophie. Qu’un homme veuille cependant faire quelque chose de plus, ou bien il s’égarera dans des sentiers avoisinants, ou bien il