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Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/64

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sont mauvais professeurs de phifosophie. En réalité, cette fonction est pour un penseur personnel peut-être la plus difficile de toutes. La chaire philosophique est une sorte de confessionnal où l’on fait coram populo sa profession de foi. En outre, il n’y a guère d’obstacle plus grand à la pénétration approfondie des choses, c’est-à-dire à la véritable sagesse, que l’obligation constante de paraître un sage, d’étaler devant les élèves curieux les prétendues connaissances que l’on possède, et de tenir des réponses prêtes pour toutes les questions imaginables. Mais le pire, c’est qu’un homme dans cette situation est assailli, à chaque pensée qui surgit dans sa tête, par le souci de savoir si elle s’accommode avec les vues de l’autorité supérieure. Cela paralyse son esprit, au point que les pensées mêmes n’osent plus surgir. L’atmosphère de la liberté est indispensable à la vérité. Quant à l’exception qui confirme la règle, à savoir que Kant a été professeur, je me suis déjà expliqué plus haut à ce sujet. J’ajoute simplement que la philosophie de Kant lui-même aurait été plus grandiose, plus décidée, plus pure et plus belle, s’il n’avait pas occupé une chaire ; il tint toutefois, très sagement, le philosophe le plus séparé possible du professeur, car il n’enseignait pas sa propre doctrine dans sa chaire (1).

1. Voir Rosenkranz, Geschichte der Kantischen Philosophie, p. 148. Si, maintenant, je me reporte aux soi-disant philosophes qui ont fait leur apparition depuis un demi-siècle qu’a cessé l’activité de Kant, je n’en vois malheureusement pas un seul auquel je pourrais décerner cet éloge, qu’il a réellement et consciencieusement cherché la vérité. Je trouve au contraire que tous, en