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Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/69

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entre eux à ce sujet. Les uns disaient que ce serait agir en cela comme les sophistes ; les autres, que ce serait un procédé peu noble et rappelant celui des artisans, et qu’en conséquence il serait indigne de la philosophie de se faire payer ses leçons » (Eclogae physicae et ethicae, édit. Heeren, Gaettingue, 1792-1801, t. II, p. 226). Le jurisconsulte Ulpien, de son côté, affiche une haute opinion des philosophes ; il les excepte en effet de ceux qui sont en droit de prétendre à un dédommagement pour des services libéraux, c’est-à-dire convenant à un homme né libre. Il dit (Digeste, loi 1, § 4) : « Les philosophes sont-ils au nombre des professeurs ? Je ne le pense pas, non parce que la chose serait malséante, mais parce qu’il est avant tout de leur intérêt de mépriser un travail mercenaire. » L’opinion sur ce point était si inébranlable que nous la trouvons encore en pleine vigueur sous les empereurs suivants. Dans Philostrate, Apollonius de Tyane (Vie, livre I, chap. XIII) reproche à son adversaire Euphrate την σοφιαν χαπηλεὐειν (de faire métier de la philosophie), et il lui dit dans sa LI lettre : « Quelques-uns te reprochent d’avoir reçu de l’argent de l’empereur ; et ce ne serait pas à tort, à moins qu’il ne soit faux que tu te sois fait payer pour ta philosophie, et cela très souvent, très cher, et par celui qui te croyait sérieusement philosophe. » En conformité de cette manière de voir, il dit de lui-même, dans une lettre précédente (la XLIII) : « Si l’on offre de l’argent à Apollonius, et qu’on lui paraisse digne d’estime, il l’acceptera, au cas où il en aurait besoin ; mais un salaire pour son enseignement philosophique, jamais il n’y consentira, même s’il se trouvait dans l’indigence. »

Cette manière de voir, vieille comme le monde, a sa juste raison d’être ; elle résulte de ce que la philosophie