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Page:Schopenhauer - Philosophie et philosophes (éd. Alcan), 1907.djvu/76

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rire, élucubrer sans sourciller des bourdes vaines comme celle (le l’idée abso-lue ou de la contradiction qui doit exister dans toutes les notions fondamentales, ni se délecter avec une satisfaction enviable Lie noix creuses telles que celles-ci:« Lc monde est l’existence de l’infini dans le fini » et « l’esprit est le réflexe de l’infini dans le fini » etc. Ce serait fâcheux pour eux ; car ils veulent absolument etre des philosophes et des penseurs tout ~i l’ait originaux. Or qu’un cerveau ordinaire ait (les idées non ordinaires, cela est juste aussi vraisemblable qu’un chene produisant clés abricots. Mais les idées ordinaires, chacun les possede lui-meme, et n’a que faire de les lire. En conséquence, comme il s’agit en philosophie seulement d’idées, non _,. d’expériences et de faits, les cerveaux ordinaires ne peuvent rien— accomplir sur cc terrain. Quelques-uns, conscients de la difficulté, ont emmagasiné une provision d’idées étrangeres le plus souvent incompletes et toujours plates, qui dans leur tete, ajoutons-le, courent sans cesse danger de se volatiliser uniquement en phrases et en mots. Ils les poussent ensuite en divers sens et cherchent a les accorder les unes avec les autres, comme des dominos. Ils comparent ce qu’a dit celui-ci, puis celui-la, puis un autre, puis un qua-trieme encore, et s’efforcent d’y voir clair. On essaierait en vain de trouver chez ces gens-la une vue fondamentale solide reposant sur une base apparente, c’est-a-dire absolument cohérente, des choses et du monde. Aussi n’ont-ils sur rien une opinion nette ou un jugement fermement établi ; mais ils tâtonnent comme dans le brouillard, avec leurs idées, leurs vues et leurs exceptions apprises. Ils ne se sont en réalité consacrés a la science et a l’érudition que pour les enseigner eux-memes. Soit.