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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/106

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royaume des esprits[1] : « Soudainement le squelette se contracta en une petite figure de nain indescriptiblement hideuse, absolument comme lorsqu’on porte une grosse araignée au foyer d’un verre brûlant, et que son sang purulent siffle et bout dans la chaleur ». Ainsi, cet homme de Dieu s’est rendu coupable d’une telle infamie, ou a tranquillement assisté à cette infamie commise par un autre ! ce qui, dans les deux cas, revient au même. Et elle lui semble si naturelle, qu’il la raconte en passant, tout bonnement. Ce sont les effets du premier chapitre de la Genèse et de toute la conception de la nature par les Juifs en général. La règle des actions, chez les Indous et les bouddhistes, est au contraire la mahavakya : Tat tvam asi (la grande parole : c’est toi-même), qui peut toujours être dite de chaque animal, pour nous rappeler l’identité de son essence intime avec la nôtre. Ainsi donc, laissez-moi tranquille avec votre morale chrétienne, soi-disant la plus parfaite de toutes !

Quand j’étudiais à Gœttingue, Blumenbach[2] nous parlait très gravement, dans son cours de physiologie, de la cruauté des vivisections, et nous représentait

  1. Scenen aus dem Geisterreich, t. II, scène 1, p. 15. — Jean-Henri Jung, dit Stilling, né en 1740, successivement tailleur, maître d’école, médecin-oculiste, puis professeur d’économie politique ; il mourut à Carlsruhe, en 1817. C’était un mystique qui voyait dans tout événement, dans le moindre accident, le doigt de Dieu, avec qui il croyait avoir des relations particulières. Parmi une foule d’ouvrages bizarres et incohérents, il a laissé une autobiographie extrêmement curieuse, qui renferme d’intéressants détails sur le jeune Gœthe, qu’il avait connu à Strasbourg. (Le trad.)
  2. Célèbre naturaliste allemand, le créateur de l’anthropologie, mort en 1840 à Gœttingue, à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Flourens a écrit son Éloge. (Le trad.)