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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/105

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bien d’animaux, mais sans recommander de les protéger. Et que dit le premier passage ? « Le juste a miséricorde de sa bête. » « Miséricorde » ! quelle expression ! On a miséricorde d’un pécheur, d’un criminel, mais non d’une fidèle bête innocente qui souvent est le soutien de son maître, dont elle ne reçoit en revanche qu’une maigre pitance. « Miséricorde » ! Ce n’est pas miséricorde, mais justice qui est due à l’animal, et cette justice, on la lui refuse le plus souvent en Europe, cette partie du monde si infectée par l’esprit de la Bible, que l’émission de cette simple vérité : « L’animal est dans son essence le même que l’homme », semble un paradoxe choquant. La protection des animaux échoit donc aux sociétés qui se la proposent comme but, et à la police ; mais celles-là et celle-ci sont bien impuissantes contre cette cruauté universelle de la populace à l’égard d’êtres qui ne peuvent se plaindre ; de plus, sur cent actes de barbarie on en punit à peine un seul, et les punitions sont aussi trop douces. En Angleterre, on a récemment proposé de châtier à coups de bâton les délinquants, ce qui me paraît tout à fait logique. Mais que peut-on attendre de la populace, quand on trouve des savants et même des zoologistes qui, au lieu d’avouer franchement l’identité essentielle si intime de l’homme et de l’animal, sont assez bigots et bornés pour s’élever fanatiquement contre d’honnêtes et raisonnables confrères qui rangent l’homme dans la classe animale, ou démontrent sa grande ressemblance avec le chimpanzé et l’orang-outang ? C’est chose vraiment révoltante, par exemple, de trouver chez un écrivain aussi chrétien et aussi pieux que Jung Stilling une comparaison comme celle-ci, dans ses Scènes du