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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/108

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suiv.) il a laissé mourir de faim à dessein deux lapins, pour rechercher d’une façon bien inutile si la mort par la faim modifie les proportions des parties chimiques du cerveau ! Dans l’intérêt de la science, n’est-ce pas ? Ces messieurs du scalpel et du creuset ne songent-ils donc pas qu’ils sont d’abord des hommes, et seulement ensuite des chimistes ? Comment peut-on dormir tranquille, quand on détient sous les verrous d’innocents animaux nourris par leur mère, auxquels on apprête la mort lente et horrible par la faim ? Ne s’éveille-t-on pas en sursaut, sous une sensation d’effroi ? Et cela se passe en Bavière, où, sous les auspices du prince Adalbert, le respectable et si méritant conseiller aulique Perner donne l’exemple à toute l’Allemagne, en protégeant les animaux contre la brutalité et la cruauté ! N’y a-t-il pas à Nuremberg de succursale de la Société si bienfaisante de Munich ? L’acte cruel de Bibra, si on n’a pu l’empêcher, est-il du moins resté impuni ? C’est surtout un homme qui a encore tant à apprendre des livres, comme ce M. de Bibra, qui devrait, le dernier, songer à arracher les réponses finales par la voie de la cruauté, à mettre la nature à la torture, pour enrichir son savoir ; il dispose encore de sources assez nombreuses et innocentes, sans avoir besoin de martyriser jusqu’à la mort de pauvres animaux dépourvus de défense. M. de Bibra se livre, par exemple, à des recherches étendues sur le poids du cerveau par rapport à celui du reste du corps. Or, depuis les démonstrations lumineuses de Sömmerring[1], tout le monde sait et admet qu’il faut évaluer le

  1. Un des plus grands anatomistes de l’Allemagne (1755-1830). Il étudia sous Boerhave, et exerça la médecine à Mayence, puis