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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/119

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nité ; il est le représentant de celle-ci, qui est rachetée en lui, de même qu’elle avait failli en Adam, et se trouvait enlacée depuis lors dans les liens du péché, de la corruption, de la souffrance et de la mort. C’est ici la manière de voir du christianisme aussi bien que celle du bouddhisme : le monde ne peut plus apparaître dans la lumière de l’optimisme juif, qui avait trouvé que « tout est très bien » ; non, c’est plutôt le diable qui se nomme maintenant « prince de ce monde », — ὁ ἄρχων τοῦ κόσμου τούτου (Évangile selon saint Jean, chap. xii, 31). Le monde n’est plus un but, mais un moyen : le royaume des joies éternelles gît au delà de lui et de la mort. Le renoncement à ce monde et tout espoir mis dans un monde meilleur, voilà l’esprit du christianisme. La route de ce monde meilleur est ouverte par la réconciliation, c’est-à-dire par l’affranchissement de ce monde et de ses voies. En morale, le droit de vengeance a fait place au commandement d’aimer ses ennemis ; la promesse d’une nombreuse postérité, à celle de la vie éternelle ; la transmission des péchés du père aux enfants jusqu’à la quatrième génération, à l’Esprit saint qui couvre tout de ses ailes.

Ainsi nous voyons que les doctrines du Nouveau Testament ont rectifié et changé celles de l’Ancien, ce qui les a mises en accord, dans leur fond intime, avec les antiques religions de l’Inde. Tout ce qui est vrai dans le christianisme se trouve aussi dans le brahmanisme et le bouddhisme. Mais la notion juive d’un néant animé, d’un bousillage passager qui ne peut assez remercier et louer Jéhovah pour son existence éphémère pleine de désolation, d’angoisse et de misère, on la cherchera en vain dans l’indouisme et le bouddhisme. Comme un