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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/136

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les Académies, imposer aux Universités le pro ratione voluntas, en vue de ramener l’humanité au point où elle en était au moyen âge. Et ce n’est pas une poignée d’obscurantistes qui accomplira cette besogne ; on les regarde aujourd’hui comme des gens qui veulent éteindre la lumière pour voler. Ainsi il est évident que les peuples songent dès à présent à secouer le joug de la foi ; les symptômes de cette manière de voir s’accusent partout, quoique différents dans chaque pays. La raison en est le trop de savoir qui s’est accumulé chez eux. Les connaissances de toute espèce qui s’accroissent chaque jour et se prolongent toujours de plus en plus dans toutes les directions, élargissent tellement, selon sa sphère, l’horizon de chacun, que cet horizon finira par acquérir une étendue en face de laquelle les mythes qui forment le squelette du christianisme se rétréciront de telle façon, qu’il n’y aura plus de place pour la foi. L’humanité rejette le vêtement de la religion, devenu trop étroit pour elle ; et il n’y a plus d’arrêt : il éclate. La foi et la science ne s’accordent pas bien dans la même tête. Elles y sont comme un loup et un agneau dans la même cage, et la science est le loup qui menace de dévorer son voisin. On voit la religion, dans son angoisse mortelle, s’accrocher à la morale, dont elle voudrait se dire la mère ; mais non pas ! La vraie morale et la vraie moralité ne sont dépendantes d’aucune religion, bien que chacune les sanctionne et leur apporte ainsi un appui. Chassé des classes moyennes, le christianisme se réfugie maintenant dans les classes tout à fait inférieures, où il se manifeste sous la forme de conventicules, et parmi les classes supérieures, où il est une affaire de politique. Mais on devrait songer que