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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/138

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de même celle du peuple zend, chez les Guèbres. Celle des Gaulois, des Scandinaves et des Germains est également morte. Mais le brahmanisme et le bouddhisme continuent à vivre et à fleurir. Ils sont les plus anciennes de toutes les religions, et ont des documents en abondance.

Aux siècles passés, la religion était une forêt derrière laquelle des armées pouvaient prendre position et se couvrir. Mais, après tant de coupes, elle n’est plus qu’une broussaille derrière laquelle, le cas échéant, des filous se cachent. Aussi doit-on se mettre en garde contre ceux qui voudraient mêler la religion à tout, et faut-il leur appliquer le proverbe espagnol déjà cité : Detrás de la cruz está el diablo.

Au lieu d’établir la vérité des religions dans le sens allégorique, on pourrait, comme on le fait pour la théologie morale de Kant, les qualifier d’hypothèses dans une vue pratique, ou de schémas hodogétiques, de régulatrices, à la façon des hypothèses physiques sur les courants électriques, qui expliquent le magnétisme, ou sur les atomes, qui expliquent les proportions chimiques de combinaisons, etc.[1]. On a bien soin de ne pas les établir comme objectivement vraies, mais on s’en sert pour combiner les phénomènes, car, au point de vue du résultat et de l’expérimentation, elles donnent à peu près autant que la vérité elle-même. Elles vous guident dans l’action et vous tranquillisent subjectivement en ce qui concerne la pensée.

  1. Même les pôles, l’équateur et les parallèles du firmament, sont de cette espèce. Au ciel il n’y a rien de semblable : il ne se meut pas.