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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/143

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insectes, je crois — ont cette propriété, que la fécondation de la mère exerce ensuite son effet sur le premier rejeton et même sur le second, de sorte que celui-ci pond des œufs sans avoir été fécondé lui-même. Que cela soit arrivé une seule fois chez un être humain, ce n’est pas si invraisemblable que de croire qu’il y a eu vraiment un homme affranchi de péchés ; et dès que nous admettons ce dernier point, le premier peut très bien être admis aussi, vu l’harmonie, incompréhensible d’ailleurs pour la raison, entre la corporisation et le caractère intelligible de chaque être vivant et de l’hérédité de beaucoup de penchants et de traits moraux.

Ce qui distingue les théistes des athées, spinozistes, fatalistes, c’est que ceux-là imputent au monde un principe arbitraire, ceux-ci un principe naturel ; les premiers le font naître d’une volonté, les seconds d’une cause. Une cause agit nécessairement, une volonté librement. Mais une volonté sans motif est aussi inadmissible qu’un effet sans cause. Si le monde a pris naissance, il doit y avoir eu une première cause, conformément à la manière de voir des athées ; c’est-à-dire que le monde n’a dû rien avoir devant lui dont il fût l’effet, qui le forçât lui-même à agir, et qui l’expliquerait. Il agit donc en vertu d’une nécessité absolue, il agit par une contrainte absolue (c’est-à-dire qui ne dépend d’aucune autre raison), et ceci est le fatalisme proprement dit. Si, au contraire, les théistes font agir une volonté sans un motif, le résultat est quelque chose d’aussi absurde que le fatalisme : une volonté sans raison, comme, là, une contrainte sans raison.