Aller au contenu

Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SUR LA DOCTRINE DE L’INDESTRUCTIBILITÉ
DE NOTRE RÉEL PAR LA MORT


Quoique j’aie traité ce sujet avec suite et en détail dans mon œuvre principale, je crois néanmoins qu’un petit supplément de réflexions séparées sur ce point jettera toujours quelque nouvelle lumière sur lui, et ne sera pas sans valeur pour plus d’un lecteur.

Il faut lire la Selina[1] de Jean-Paul, pour voir comment un esprit des plus éminents devient la victime des absurdités d’une idée fausse, à laquelle il ne veut pas renoncer, parce qu’il y a mis tout son cœur, mais en restant perpétuellement troublé par les extravagances qu’il ne peut digérer. C’est l’idée de la persistance individuelle de notre entière conscience personnelle après la mort. Précisément cette lutte désespérée de Jean-Paul prouve que de telles idées, composées de faussetés et de vérités, loin d’être, comme on l’affirme, des erreurs salutaires, sont plutôt carrément nuisibles. En effet, la véritable connaissance, reposant sur la dis-

  1. Selina, oder über Unsterblichkeit, ouvrage inachevé et posthume. C’est une suite de conversations sur l’immortalité de l’âme, ou plutôt sur le besoin d’immortalité qui est inhérent à la nature humaine. Le sujet est le même que celui de La vallée de Campan, du même écrivain, œuvre d’ailleurs infiniment supérieure. (Le trad.)