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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/163

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est sans aucun doute entièrement superflu ; aussi le perdons-nous. Sa disparition est pour nous la même chose que la cessation du monde phénoménal, dont il était le simple médium, et ne peut servir à rien d’autre. Si, dans cet état primitif, on nous offrait de conserver cette conscience animale, nous la rejetterions comme le paralytique guéri rejette ses béquilles. Celui donc qui déplore la perte en perspective de cette conscience cérébrale purement phénoménale et adaptée au phénomène, est comparable aux Groenlandais convertis, qui ne voulaient plus aller au ciel, quand ils apprirent qu’il n’y avait pas là de phoques.

Au reste, tout ce que je dis ici repose sur la supposition que nous ne pouvons nous représenter un état non inconscient autrement que comme un état connaissant, qui par conséquent porte en soi la forme fondamentale de toute connaissance : la division en sujet et en objet, en chose qui connaît et en chose qui est connue. Mais nous devons considérer que cette forme entière du connaissant et du connu est conditionnée uniquement par notre nature animale, par conséquent très secondaire et dérivée ; ce n’est donc aucunement l’état originel de toute entité et de toute existence qui peut, par conséquent, être tout différent, et, cependant, non inconscient. Même notre propre nature présente, autant que nous pouvons la scruter dans son intimité, est donc pure volonté ; et celle-ci est déjà en elle-même incognitive. Quand, par la mort, nous perdons l’intellect, nous sommes simplement transportés par là dans notre état primitif dépourvu de connaissance, mais qui n’est pas absolument inconscient ; c’est sans doute plutôt un état supérieur à cette forme là, où l’opposition