Aller au contenu

Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapport à la volonté, qui seule est la chose primaire et toujours la chose primitive. L’organisme lui-même n’est en réalité que la volonté se déployant clairement et objectivement dans le cerveau, et par conséquent dans ses formes d’espace et de temps ; c’est ce que j’ai souvent expliqué, et l’on peut se référer particulièrement à La volonté dans la nature et aux additions au Monde comme volonté et comme représentation (chap. xx). Puisque la conscience ne dépend pas directement de la volonté, mais est conditionnée par l’intellect, tandis que celui-ci l’est par l’organisme, il ne reste aucun doute que la conscience s’éteint par la mort, comme déjà, d’ailleurs, par le sommeil et l’évanouissement[1]. Mais rassurons-nous. Quel est en effet ce genre de conscience ? Une conscience cérébrale, animale, un peu plus développée que celle des bêtes, en tant qu’elle nous est commune, dans son essence, avec la série animale tout entière, bien qu’elle atteigne son sommet en nous. Elle est par son but et son origine, comme je l’ai suffisamment démontré, une pure μηχανή de la nature, un moyen de connaître les besoins animaux et de leur venir en aide. L’état auquel la mort nous ramène, au contraire, est notre état originel, c’est-à-dire l’état propre de l’être dont la force primitive se manifeste par la production et le maintien de la vie qui maintenant cesse. C’est, en un mot, l’état de la chose en soi par opposition au phénomène. Or, dans cet état primitif, un pis-aller comme la connaissance cérébrale, si extrêmement médiate et ne transmettant pour cette raison que des phénomènes,

  1. Ce serait en vérité charmant, si la mort ne détruisait pas l’intellect. Alors on emporterait tout chaud dans l’autre monde le grec qu’on a appris dans celui-ci.