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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/195

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mobile d’une machine aussi compliquée, qui fait mouvoir les fils d’un jeu bigarré de marionnettes.

Si nous examinons la chose de plus près, nous voyons avant tout que l’existence de la matière inorganique est constamment attaquée et finalement annihilée par les forces chimiques, et que celle de la matière organique, au contraire, n’est rendue possible que par le changement continuel de la matière, lequel exige un constant afflux, c’est-à-dire un secours du dehors. Ainsi donc, en elle-même déjà, la vie organique ressemble au pendule balancé par la main, qui doit toujours être remué ; elle constitue donc un constant besoin, qui se fait toujours de nouveau sentir, et une misère infinie. Néanmoins, c’est seulement par le moyen de cette vie organique que la conscience est possible.

Tout ceci est en conséquence l’existence finie, dont l’antithèse serait une existence infinie, non exposée aux attaques du dehors ni en quête des secours extérieurs, c’est-à-dire ἀεί ὡσαύτως ὄν, en éternel repos, οὔτε γιγνόμενον, ὄυτε ἀπολλύμενον, sans changement, sans temps, sans complexité et sans diversité, dont la connaissance négative forme la note fondamentale de la philosophie de Platon. Cette existence doit être celle dont la négation de la volonté de vivre ouvre la voie.

Les scènes de notre vie ressemblent aux peintures d’une mosaïque grossière, qui, de près, ne produisent aucun effet, et qu’il faut regarder à distance pour les trouver belles. Ainsi, obtenir une chose désirée, c’est découvrir qu’elle est vaine ; nous vivons constamment