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Page:Schopenhauer - Sur la religion, 1906.djvu/198

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avoir d’ennui ; la seule existence en elle-même devrait nous suffire et nous satisfaire. Or, nous ne prenons goût à notre existence que dans l’effort, où l’éloignement et les obstacles font miroiter à nos yeux le but comme satisfaisant, illusion qui disparaît après que nous l’avons atteint ; ou dans une occupation purement intellectuelle, qui nous fait sortir à proprement parler de l’existence pour la contempler du dehors, absolument comme les spectateurs, de leurs loges. La jouissance sensuelle elle-même consiste dans une lutte continue, et cesse dès que son but est atteint. Tant que nous ne nous trouvons pas dans un de ces deux cas, mais sommes ramenés à l’existence même, nous avons le sentiment du vide et du néant de celle-ci ; c’est ce qui constitue l’ennui. Même notre curiosité avide du merveilleux, qui est indéracinable chez nous, montre avec quel plaisir nous verrions s’interrompre l’ordre naturel si fastidieux du cours des choses. La pompe et la magnificence des grands, dans leurs parades et dans leurs fêtes, qu’est-ce autre chose aussi, au fond, qu’un vain effort pour triompher des misères inhérentes à notre existence ! Qu’est-ce en effet, vus sous leur vrai jour, que les joyaux, les perles, les plumes, le velours rouge éclairé par le reflet des bougies, les danseurs et les sauteurs, les costumes travestis et les mascarades, etc. ?

Que la plus parfaite manifestation de la volonté de vivre, qui se présente dans le mécanisme si subtilement compliqué de l’organisme humain, doive tomber en poussière et abandonner finalement toute son essence et tout son effort à la dissolution, c’est la